Valeur locative et rénovation énergétique

Valeur locative et rénovation énergétique

3 Septembre 2025

Le 28 septembre 2025 le peuple suisse est appelé à voter pour ou contre la suppression de cette curiosité fiscale qu'est la valeur locative.

Pour rappel la valeur locative est un revenu imposable fictif que doit déclarer tout propriétaire occupant d'un bien immobilier ; les administrations fiscales considèrent 60% à 70% du montant du loyer que paierait un locataire pour ce même bien comme un revenu supplémentaire pour le propriétaire. Situation saugrenue qui équivaut à demander au propriétaire d'une voiture individuelle de déclarer comme revenu une partie des billets de train qu'il n'a plus besoin de payer (une idée pour favoriser la mobilité douce ?).

Cette suppression, réclamée depuis plusieurs années par les milieux bourgeois, est considérée par le Parlement et le Conseil Fédéral comme une bonne chose.

Le problème pour certains défenseurs de l'environnement comme pour certains représentant d'entreprises actives dans la rénovation énergétique, c'est que la contrepartie de la valeur locative, c'est la possibilité pour les propriétaires de déduire de leurs revenus l'intérêt de la dette et les frais de maintien de valeur de l'immeuble, à savoir les frais d'entretien et les dépenses dédiées à la rénovation énergétique. Or ces déductions seraient également supprimées avec la réforme.

Un "oui" à la suppression de la valeur locative entrainera donc la suppression d'un coup de pouce fiscal considérable pour les propriétaire désirant rénover leur logement. L'impact financier des déductions fiscales sur un projet d'assainissement est très important, souvent plus important que les subventions directes du Programme Bâtiments.

Est-ce donc un coup d'arrêt pour la rénovation énergétique ?

Il faut d'abord rappeler que cette réforme concerne uniquement les résidences principales et secondaires, les locatifs ne sont pas concernés. Il faut également souligner que le taux de propriétaires est très faible en Suisse (36%) presque deux fois inférieur à la moyenne européenne. Cette réforme concerne donc uniquement les bâtiments anciens ou nécessitant d'être rénovés et occupés par leurs propriétaires.

En outre la suppression des déductions ne concerne que la part fédérale de l'impôt, les cantons "pourraient" continuer à accorder des avantages fiscaux aux propriétaires souhaitant réaliser des travaux énergétiques (notez cependant l'emploi du conditionnel pour ce point).

Enfin, n'oublions pas que même si les déductions fiscales constituent un critère important (45%) voire déterminant (22%) pour deux tiers des propriétaires qui ont réalisé ou prévu une rénovation (cf. étude Wüest Partner en vignette), ce n'est pas le seul critère. L'argument fiscal vient après la volonté de réaliser des économies d'énergie et la motivation personnelles à rendre son bien plus durable, sans compter les assainissement imposés par certaines obligations légales. Il n'est donc pas dit que la suppression de la valeur locative entraine systématiquement l'abandon des projets.

Le bâtiment reste l'un des principaux vecteurs de réduction de la consommation énergétique et des émissions de CO2 en Suisse. Même si cette réforme touche un nombre restreint de bâtiments ou ne réduit que marginalement le nombre ou l'ampleur des projets, on peut s'interroger sur le fait que le projet ne prévoit pas de compenser la suppression d'un encouragement important à la rénovation.

Il conviendra de voir à l'usage les conséquences réelles d'un "oui" sur le taux de rénovation déjà trop bas (de l'ordre de 1.0%-1.5% alors qu'il devrait être de 3.0% pour respecter les objectifs que la Suisse s'est donnés). En attendant la plupart des économistes s'accordent sur le fait que la réforme bénéficiera surtout aux propriétaires de longue date peu endettés et aux logements en bon état. L'intérêt de la réforme pour les propriétaires récents est réduit par la suppression de la déduction de l'intérêt de la dette, surtout en cas de hausse des taux. Les propriétaires de biens nécessitant des travaux seront pénalisés. Les biens patrimoniaux à rénover seront moins attractifs, favorisant les projets neufs et les démolitions/reconstructions avec toutes les conséquences que cela peut avoir en matière d'énergie grise de la construction et de déchets.

Il y aura donc, même parmi les propriétaires, des gagnants et des perdants. Pire, pour un propriétaire qui souhaite vivre durablement dans son logement, tout le bénéfice de la suppression de la valeur locative risque de s'envoler dès qu'il devra engager des travaux. C'est donc à se demander s'il y aura réellement des gagnants.

C'est surtout le calendrier qui interroge : même si cette réforme était attendue depuis des années (la valeur locative a été créée en 1915, supprimée puis réintroduit en 1934), était il bien nécessaire maintenant, en cette période troublée tant au niveau politique qu'environnemental, d'accorder un cadeau fiscal à une minorité de bénéficiaires ? Quel signal veut donner le conseil fédéral en soutenant ce texte qui ne prévoit pas de compensation en matière d'encouragement à la rénovation énergétique ? Faut-il y voir les prémices de la disparition possible du Programme Bâtiment en 2027 ? Est-on en train de commencer à baisser les bras en matière de lutte contre le dérèglement climatique ? 

Pour aller plus loin : 
- Wüest Partner - Analyse de la réforme : https://www.wuestpartner.com/ch-fr/2025/08/14/la-valeur-locative-sur-la-sellette-a-quoi-doivent-sattendre-les-proprietaires-en-suisse/
- Raiffeisen - Perspectives immobilières 2025 : https://www.raiffeisen.ch/rch/fr/connaissances/logement/etude-actuelle.html

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